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À propos de la propagande de l'EI

La propagande de l’État islamique (EI) est une machine de manipulation psychologique et émotionnelle. En légitimant la violence, en diffusant des émotions négatives et en exploitant la peur, l’EI parvient à façonner l’esprit de ses adeptes et à les amener à adopter une vision du monde radicale et violente.
L’utilisation des manuels scolaires comme outil de propagande montre l’ampleur de leur projet d’endoctrinement, qui commence dès l’enfance et s'étend à tous les aspects de la vie. Ces stratégies, visant à perpétuer la violence et la haine, doivent être contrées pour limiter l'influence de l’EI et d'autres groupes terroristes.
L’analyse de la propagande violente de l'organisation terroriste de l’EI révèle une approche méthodique et multiforme visant à manipuler les perceptions, les émotions et les comportements. L’EI, à travers ses divers supports médiatiques, y compris des manuels scolaires, met en place une stratégie sophistiquée pour diffuser sa vision radicale du monde, légitimer la violence et endoctriner ses adeptes.

Voici un aperçu du corpus étudié dans le cadre du projet EduConflit :

La légitimation de la violence

L’un des piliers centraux de la propagande de l’EI est la justification de la violence sous toutes ses formes : verbale, physique et psychologique. Cette violence est glorifiée non seulement comme un moyen, mais aussi comme une fin en soi, nécessaire à l’instauration de leur version du califat islamique.
À travers des manuels scolaires, des discours religieux et des vidéos, l’EI cherche à normaliser l’utilisation de la violence contre ceux qu’ils perçoivent comme des ennemis : les non-musulmans, les musulmans modérés, ou quiconque ne partage pas leur vision extrémiste.
Les manuels scolaires, en particulier, sont employés pour inculquer dès l’enfance l'idée que la violence est une réponse légitime aux menaces contre la communauté islamique. On y retrouve des concepts de « guerre sainte » ou de « djihad » déformés, présentés comme des obligations religieuses et morales. Ainsi, la violence n’est plus perçue comme une conséquence tragique de conflits, mais comme une voie sanctifiée pour atteindre un but politique.

La diffusion des émotions négatives

Un autre aspect fondamental de la propagande de l’EI est la diffusion et l’exploitation des émotions négatives, notamment la colère, le dégoût et la haine. Cette stratégie s'appuie sur un processus de déshumanisation de l'autre, qu'il s'agisse des groupes ethniques ou religieux non conformes à leur vision, des gouvernements occidentaux ou des musulmans qu’ils considèrent comme des apostats.
Les outils de propagande de l'EI, y compris les manuels scolaires, décrivent souvent ces groupes comme des ennemis mortels, des «croisés» ou des «infidèles», alimentant un sentiment de menace permanente. Cette rhétorique vise à susciter la colère et la haine chez les jeunes générations, facilitant ainsi leur recrutement.
En mettant constamment l’accent sur les injustices, réelles ou perçues, que ces «autres» infligeraient aux musulmans, l’EI construit un récit victimaire et réactif, qui permet à la haine d'être perçue non seulement comme une réaction naturelle, mais comme une réponse nécessaire.

L’endoctrinement basé sur la peur

Enfin, la peur joue un rôle central dans la stratégie d’endoctrinement de l’EI. Il s'agit d'une peur multidimensionnelle qui touche à la fois la dimension spirituelle et la relation à l'autre. La peur de Dieu est omniprésente dans les manuels scolaires, renforçant l'idée que chaque action est surveillée et jugée, et que tout écart par rapport à la vision religieuse prônée entraînera une punition divine. 
Cette peur du péché (haram) est liée à une interprétation radicale de l’islam, où toute déviation est synonyme de damnation. Parallèlement, l'EI exploite la peur des autres, notamment la peur de la différence et de l’altérité. En insistant sur la menace que représentent les non-musulmans ou les musulmans modérés, l’organisation isole ses partisans dans un cercle fermé, où la différence est perçue comme un danger à éradiquer. Cette peur alimente la radicalisation, car elle pousse les individus à se conformer à des comportements violents, dans un effort pour se protéger eux-mêmes et protéger leur communauté.

La dimension psycholinguistique

La « structure de la peur », analysée par des chercheurs comme Aaron Beck, est utile pour comprendre l’efficacité du discours de l’EI. Beck souligne que la peur résulte souvent de distorsions cognitives, telles que l’exagération des dangers ou la généralisation excessive des menaces. L’EI exploite pleinement cette structure de la peur en amplifiant les dangers perçus et en présentant le monde extérieur comme une menace constante et omniprésente.
Le discours de l’EI s’appuie sur des schémas cognitifs de pensée catastrophique : chaque situation est vue comme une potentielle catastrophe imminente, et toute action non conforme aux attentes du groupe radical est associée à des conséquences fatales. Ce discours sature les esprits de ses auditeurs en leur imposant une vision du monde où le danger est toujours présent, les poussant à adopter une attitude de défense agressive. 
Ce processus d’endoctrinement par la peur manipule les individus en les enfermant dans un état de «pensée de survie», où ils se sentent constamment menacés et où la violence devient un mécanisme de protection justifiable.

Le langage de la peur

Le langage de la peur utilisé par l'État islamique (EI) constitue un instrument redoutable d'endoctrinement. Le vocabulaire émotionnellement chargé, les structures injonctionnelles, et les schémas linguistiques manipulent les perceptions et les représentations des recrues. En s’appuyant sur la structure psycholinguistique de la peur, l’EI parvient à maintenir ses adeptes dans un état constant d'anxiété et de suspicion, les poussant ainsi vers des comportements de plus en plus violents.
La propagande de l'EI repose en grande partie sur un langage construit pour susciter et manipuler des émotions, en particulier la peur. L'analyse du vocabulaire et des structures langagières employées révèle une stratégie psycholinguistique sophistiquée, visant à renforcer l'endoctrinement et à légitimer la violence. Le langage de la peur y occupe une place prépondérante, étant utilisé à la fois comme outil de contrôle et comme levier d’action pour motiver les individus à adopter des comportements violents ou extrémistes.

La structure du vocabulaire

Le vocabulaire de la propagande de l'EI est rempli d’émotions négatives destinées à instaurer un climat d’insécurité et de menace perpétuelle. Des mots comme « ennemis », « croisés », « infidèles » ou « apostats » sont employés de manière répétitive pour désigner l'autre, que ce soit les musulmans modérés, les non-musulmans ou les gouvernements étrangers. Ces termes renforcent la perception que ces groupes représentent une menace directe et existentielle pour la communauté des croyants. Le recours à des adjectifs péjoratifs, comme « impur », « corrompu » ou « déviant », accentue encore cette dichotomie entre « nous » et « eux », où l'ennemi est non seulement dangereux, mais moralement inférieur.
Les structures injonctionnelles, basées sur l'impératif, sont également fréquentes dans les manuels de l’EI. Le langage est souvent directif, incitant les adeptes à agir sans délai. Des phrases telles que «rejoignez la lutte», «détruisez les ennemis», «purifiez la terre» reflètent une injonction constante à passer à l'action violente. Cette forme de langage met en avant l’idée d’urgence et de devoir moral, où l'action violente devient non seulement justifiable mais inévitable. Les ordres sont présentés comme des commandements divins, renforçant la croyance que désobéir entraînerait des conséquences spirituelles désastreuses.

Les schémas linguistiques de la peur

L’EI utilise des schémas linguistiques spécifiques pour établir une atmosphère de terreur continue. La répétition d'expressions qui soulignent la fragilité de la situation – « ils sont partout », « le danger est imminent », « nous sommes attaqués » – sert à maintenir un état de vigilance constante. Ces phrases construisent une vision du monde où la sécurité est impossible à atteindre sans recours à la violence, légitimant ainsi une escalade perpétuelle dans l’intensité des actes terroristes.
Ce langage est aussi structuré autour de la dichotomie « nous contre eux », qui non seulement déshumanise l’adversaire, mais renforce la solidarité au sein du groupe radicalisé. Le schéma « si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous » est omniprésent et incite à la méfiance et au rejet de toute pensée différente, même au sein de la communauté musulmane.

Impact de la propagande sur le psychisme

L’impact de la propagande de l'État islamique (EI) sur le psychisme des jeunes est multiforme. Il se manifeste non seulement par des traumatismes psychiques liés à la guerre et à la violence, mais aussi par un profond bouleversement de leur perception de soi et du monde. La dimension culturelle joue un rôle central dans la manière dont les jeunes traitent ces traumatismes, la culture d’origine modérant ou exacerbant leur capacité à accepter certaines pertes. 
L’impact sur leur santé mentale et leur comportement est ainsi conditionné par la tension entre leurs références culturelles et la réalité de leur environnement.
Cette propagande, par son langage et ses messages, a des effets à long terme sur la santé mentale des jeunes, modifiant leur perception du monde, leur comportement et leur capacité à traiter les expériences traumatisantes. Ils sont particulièrement vulnérables à cette manipulation, étant encore en phase de développement cognitif et émotionnel, ce qui les rend plus susceptibles de subir des traumatismes psychiques importants.

Traumatismes psychiques de guerre
La guerre et la violence omniprésentes dans les zones de conflit où l’EI opère ont un impact direct et destructeur sur le psychisme des jeunes. Ils sont souvent témoins ou victimes d’actes de barbarie, d’exécutions publiques, de destructions massives, ou même recrutés de force pour participer à des actes violents. Ces expériences créent des traumatismes profonds qui peuvent se manifester sous forme de troubles de stress post-traumatique (TSPT), d’anxiété chronique, de dépression et de désordres comportementaux. De plus, ils sont susceptibles de développer une vision déformée de la réalité, où la violence devient un moyen normalisé de résoudre les conflits.
Ces traumatismes sont exacerbés par la propagande de l'EI, qui glorifie la violence et la guerre, encourageant les jeunes à accepter la brutalité comme une nécessité ou une forme d'héroïsme. Le martèlement constant de ces messages crée un environnement mental où la violence est non seulement tolérée, mais encouragée, renforçant ainsi le cycle de traumatisme psychique.

Impact de la culture sur la santé mentale
L’impact des traumatismes de guerre et de la propagande violente est modulé par la culture d’origine des jeunes qui ont grandi dans un environnement où la survie face à des conditions difficiles, comme la menace ou la persécution, est normalisée. De ce fait, ils peuvent adopter une attitude de tolérance face à l'intolérable : par exemple, les témoignages de jeunes réfugiés syriens et irakiens montrent que les pertes matérielles causées par la guerre sont souvent acceptées avec un certain fatalisme, perçues comme une conséquence inévitable du conflit. Cependant, lorsque ces mêmes personnes sont confrontés à des pertes symboliques, comme la perte d'identité, d'honneur ou de liens familiaux, le traumatisme est souvent beaucoup plus difficile à accepter. 
Ces pertes symboliques peuvent exacerber la détresse psychologique car elles touchent des aspects fondamentaux de la construction identitaire des jeunes, en lien avec leur culture d’origine. 
Dans les contextes de migration, comme pour les réfugiés syriens et irakiens, la tension entre les valeurs de la culture d'origine et celles de la culture d'accueil peut aggraver le malaise psychique. Les jeunes, souvent en quête d'un équilibre entre deux cultures, peuvent éprouver un sentiment de déracinement, d'exclusion ou d’échec, en particulier si leur culture d'accueil ne reconnaît pas ou ne comprend pas les valeurs qu'ils jugent fondamentales.

Impact de la propagande sur le comportement
La propagande de l'EI, en cultivant un langage de peur et de haine, modifie profondément le comportement des jeunes en réponse aux événements traumatiques. Ceux-ci peuvent réagir différemment selon qu'ils adoptent les normes de leur culture d'origine ou de leur culture d'accueil. Par exemple, dans la culture d'origine, l'héroïsme lié à la lutte armée peut être valorisé, tandis que dans la culture d'accueil, un comportement similaire serait perçu comme déviant ou criminel. Cela peut créer une tension psychologique intense chez les jeunes, qui se trouvent tiraillés entre deux systèmes de valeurs opposés.
En réponse à la propagande et aux traumatismes de guerre, certains jeunes peuvent développer des mécanismes de défense, comme l’isolement, l’agressivité ou un rejet des normes de la société d’accueil. D’autres peuvent se tourner vers des formes extrêmes de religiosité ou de violence pour réaffirmer leur identité et leur valeur personnelle, trouvant dans l’extrémisme une réponse à leur détresse psychologique.

Développement d’un contre-discours

Dans ce contexte, le développement d’un contre-discours face à la radicalisation doit s’adresser autant aux émotions qu’à la raison. En luttant contre les idées mortifères tout en apaisant les émotions négatives comme la peur et la haine, ce discours doit viser à restaurer la confiance en l’avenir et à donner aux jeunes le désir de vivre pleinement. 
Communiquer la résilience et valoriser la tolérance sont des éléments clés dans ce processus. En offrant des récits de reconstruction, d’acceptation et de cohabitation pacifique, le contre-discours peut aider à briser le cercle de la radicalisation et à promouvoir une société plus tolérante.
Il faut certes s’attaquer aux idées radicales en les déconstruisant sur le plan rationnel et en remettant en question les interprétations déformées des textes religieux ou idéologiques qui justifient la violence. Mais s’adresser à la raison ne suffit pas car la radicalisation s’ancre souvent dans des émotions profondes comme la peur, la colère ou la haine, émotions que l’EI sait manipuler avec habileté. 
Le contre-discours doit donc aussi s’attaquer à ces émotions négatives. Pour ce faire, il est important de rétablir un sentiment de sécurité émotionnelle chez les jeunes, en créant des narrations alternatives qui valorisent des émotions positives comme la solidarité, la tolérance et la compassion. Cela peut se faire par le biais de récits inspirants, qui mettent en lumière des exemples de coexistence pacifique, de réconciliation et de pardon, où l’avenir est perçu non comme une menace existentielle, mais comme une promesse d'un avenir meilleur.
Un autre aspect clé de ce contre-discours est de lutter contre la peur. La peur, souvent instrumentalisée par les groupes terroristes pour renforcer le sentiment de persécution ou d'urgence, doit être remplacée par la confiance. Il s'agit de convaincre les jeunes que la peur n’est pas un guide fiable pour l'action, et que la violence n’est pas une solution durable à leurs frustrations ou à leur mal-être. En rétablissant la confiance en l’avenir, le contre-discours peut donner aux jeunes le désir de vivre, de bâtir un projet de vie personnel et collectif, et de rejeter les appels à la mort ou à la destruction.

Développement d’une communication de la résilience
Pour combattre les effets des régimes de peur et de terreur, il est nécessaire de promouvoir la résilience, c'est-à-dire la capacité à surmonter les adversités et à reconstruire après un traumatisme. La communication de la résilience consiste à offrir aux victimes et aux jeunes à risque des modèles positifs de reconstruction personnelle et collective. Cela inclut des témoignages de personnes ayant surmonté la guerre, la violence ou la persécution, des récits de vie qui montrent qu’il est possible de guérir, de se reconstruire et de prospérer même après les expériences les plus difficiles.
La valorisation de la résilience doit être au cœur du contre-discours, car elle donne aux jeunes des exemples concrets de ce à quoi peut ressembler un futur sans violence. Les récits de résilience montrent qu’il est possible de s’affranchir du cercle vicieux de la haine et de la vengeance. Ils mettent en avant des histoires où l'acceptation, la tolérance et le pardon triomphent, même dans des contextes de souffrance extrême. Par exemple, mettre en avant les expériences de personnes ayant survécu à des régimes de terreur, qui ont su reconstruire leur vie en trouvant des moyens pacifiques de coexister, offre une alternative puissante au discours radical de la vengeance.
De plus, cette communication de la résilience doit s’accompagner d’un renforcement de la tolérance. La tolérance, dans ce cadre, ne signifie pas seulement accepter l’autre dans ses différences, mais aussi reconnaître la diversité des expériences humaines, y compris la souffrance et les blessures. Apprendre aux jeunes à tolérer la différence, à comprendre que leur souffrance n'est pas unique et qu’elle peut être surmontée sans recourir à la violence, est essentiel pour réduire l’attraction des discours extrémistes.

Restaurer la confiance et l’espoir
Un contre-discours efficace ne peut ignorer l’importance de redonner aux jeunes l’envie de vivre et de croire en un avenir meilleur. Pour beaucoup de ceux qui tombent dans la radicalisation, la vie ne semble plus offrir de perspective positive : la peur de l’échec, de la marginalisation ou du rejet les pousse vers des solutions extrêmes. Restaurer la confiance en l’avenir, c’est leur montrer que d’autres voies existent, qu’il est possible de réussir, d’être heureux, et d’avoir un rôle positif à jouer dans la société.
Les programmes éducatifs, les initiatives communautaires et les actions locales jouent un rôle central dans cette dynamique. Ils permettent de réintégrer les jeunes dans un tissu social où ils peuvent se sentir valorisés et utiles. Il s'agit de leur offrir des opportunités de s’engager dans des projets de développement personnel et collectif, et de leur faire comprendre que la violence n'est pas un moyen de résoudre leurs frustrations ou de répondre à leurs aspirations.

Analyses

Voici un aperçu des analyses lexicométriques réalisées dans le cadre du projet EduConflit :

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