Ce volet du projet se concentre sur les personnes déplacées ou réfugiées, offrant des solutions éducatives adaptés aux défis uniques de l'exil, comme l'isolement, la perte d'identité et la désorientation culturelle.
Une composante essentielle du projet est la collecte et l'analyse des récits des personnes touchées par les conflits en Syrie et en Irak afin d'identifier les indices linguistiques et sémantiques des traumatismes psychiques. L'objectif est de comprendre comment l'expérience de l'exil influence la manière dont ces personnes expriment leur souffrance psychique, en mettant en avant des schémas récurrents tels que la perte, le déracinement et la fragmentation identitaire.
Le projet EXILING vise également à fournir un soutien spécialisé en apprentissage des langues pour aider les personnes à s'adapter à leur nouvel environnement, tout en traitant les psychotraumatismes liés à leur déplacement ou à leur éloignement de leur pays d'origine, à travers une collaboration étroite avec des psychologues et des psychiatres.
L’exil est une expérience profondément marquante, particulièrement pour les personnes qui fuient des contextes de guerre, de persécutions, et de violence extrême. Entre 2014 et 2017, les populations irakiennes et syriennes ont été confrontées à l'horreur de la guerre sous l'État Islamique (EI), poussant des millions de personnes à quitter leur pays pour échapper à la mort, à la destruction et à l'oppression. L'expérience de l'exil, dans ce contexte, est marquée par des traumatismes psychiques complexes qui s'ajoutent aux séquelles de la guerre, créant un fardeau psychologique lourd à porter pour les réfugiés.
L’impact de la guerre sur la psyché
Les personnes ayant vécu sous le joug de l'État Islamique ont été exposées à des niveaux extrêmes de violence, incluant des exécutions publiques, des bombardements incessants, et la destruction de communautés entières. Ces expériences traumatiques ont laissé des marques indélébiles sur la psyché des survivants. Le stress post-traumatique (SSPT) est l'une des conséquences les plus courantes, caractérisé par des flashbacks, des cauchemars, et une hypervigilance constante. Les individus sont souvent hantés par les souvenirs des atrocités vécues, et ces troubles deviennent encore plus complexes lorsqu'ils sont combinés aux défis de l'exil.
Le déracinement et la perte d'Identité
L’exil implique non seulement une perte physique de la terre natale, mais aussi un déracinement profond qui affecte l'identité des individus. En quittant leur pays, les réfugiés laissent derrière eux non seulement leurs biens matériels, mais aussi leurs repères culturels, sociaux, et émotionnels. Cette rupture entraîne un sentiment de perte d'identité, où les individus peuvent se sentir « déphasés » ou « invisibles » dans leur nouveau pays d'accueil. Cette perte est souvent exacerbée par l'absence de reconnaissance de la souffrance des réfugiés dans les pays d'accueil, renforçant le sentiment d'être déconnecté du monde qui les entoure.
Les traumatismes de l'exil
En plus des traumatismes directement liés à la guerre, l'exil lui-même est une source de stress et de souffrance psychique. Les réfugiés doivent faire face à l'incertitude de l'avenir, à la précarité économique, et souvent à des conditions de vie difficiles dans les camps ou les zones urbaines surpeuplées. La séparation d'avec les membres de la famille, l'exposition à de nouvelles formes de violence ou de discrimination, et la difficulté d'intégration dans une nouvelle société aggravent encore leur détresse psychologique. Le sentiment d'être rejeté ou incompris dans le pays d'accueil peut mener à une profonde désillusion et à un isolement social.
Expressions linguistiques des traumatismes
Les traumatismes de l'exil se manifestent également dans la manière dont les réfugiés communiquent leurs expériences. Beaucoup éprouvent une difficulté à verbaliser leurs souffrances, utilisant souvent des métaphores ou des récits symboliques pour décrire leur état. Le silence est aussi une réponse fréquente, où les individus préfèrent ne pas parler de leur passé douloureux pour éviter de revivre ces expériences ou pour protéger leurs proches. Ce silence peut toutefois être une barrière à la guérison, rendant le soutien psychologique plus complexe à offrir.
Besoin de soutien et de reconnaissance
Les traumatismes psychiques des réfugiés irakiens et syriens nécessitent une reconnaissance et une prise en charge adaptées. Les programmes de soutien psychologique doivent tenir compte des spécificités culturelles et des expériences uniques de ces populations. La thérapie doit inclure des approches qui permettent aux réfugiés de reconstruire leur identité, de traiter leurs traumatismes de manière sécurisée, et de réintégrer leurs expériences dans une narration cohérente. En fin de compte, la guérison passe par la reconnaissance de leur souffrance et par un soutien qui englobe à la fois les besoins psychologiques et les réalités socio-économiques de l'exil.
L'exil, en tant qu'expérience de déracinement, peut entraîner une perte partielle ou totale de la langue maternelle, particulièrement chez les personnes qui doivent adopter une nouvelle langue pour s'adapter à leur environnement d'accueil. Cette perte linguistique peut être vécue comme un traumatisme en soi, car la langue maternelle est souvent le lien le plus direct avec l'identité, la culture, et les souvenirs d'une vie passée.
La fragmentation du langage maternel peut se manifester par une hésitation accrue, des erreurs syntaxiques ou grammaticales, et une difficulté à trouver les mots justes pour exprimer des émotions complexes. Cette altération linguistique est une métaphore directe de la fragmentation de l'identité et de la perte de repères causée par l'exil.
Les personnes en exil développent souvent un discours caractérisé par le mélange des langues, connu sous le nom de code-switching. Ce phénomène linguistique consiste à alterner entre deux langues ou plus dans une même conversation, souvent de manière inconsciente.
Le code-switching peut refléter la lutte interne entre deux identités culturelles ou linguistiques et symbolise la tension entre le passé et le présent, entre l'ancien et le nouveau chez les personnes exilées. Ce mélange des langues peut être une tentative de préserver une partie de l'ancienne identité tout en s'adaptant à une nouvelle réalité, mais il peut aussi signaler une confusion ou un conflit intérieur profond, résultant du traumatisme de l'exil.
Les traumatismes de l'exil sont fréquemment exprimés par des métaphores liées à l'errance, au déracinement, ou à la perte d'un foyer. Les exilé-e-s utilisent souvent des images telles que celles du « désert », de la « mer » ou du « vent » pour évoquer leur sentiment d'être perdus ou en transition constante.
Ces métaphores permettent de communiquer les émotions complexes associées à l'exil, comme la nostalgie, l'incertitude, et la désorientation. Par exemple, un exilé peut parler de « marcher dans un désert sans fin » pour exprimer le vide intérieur et l'absence de direction ressentis après avoir quitté son pays d'origine. Ces images sont des tentatives de donner un sens à une expérience qui est souvent difficile à verbaliser autrement.
Le silence est une composante significative de l'expression linguistique des traumatismes de l'exil. De nombreux exilé-e-s éprouvent une difficulté ou une réticence à parler de leur expérience, soit parce qu'ils ne trouvent pas les mots pour décrire l'indicible, soit parce que le récit de leur histoire est trop douloureux à revivre.
Le silence peut également être une stratégie de survie, où les personnes choisissent de ne pas partager leur histoire pour éviter le stigmate, la discrimination, ou pour protéger leurs proches restés au pays. Les non-dits deviennent ainsi des marqueurs de l'expérience traumatique de l'exil, où le passé reste en suspens, non exprimé, mais constamment présent dans le quotidien de le personne.
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